Le livre foncier : référence du mandataire judiciaire pour l’avertissement d’un créancier titulaire d’une sûreté immobilière publiée

Cass. com., 17 avril 2019, n°17-27.058

En cas de fusion, s’il apparaît, au regard du livre foncier, qu’une sûreté hypothécaire est inscrite au bénéfice de la société absorbée, le liquidateur judiciaire n’a pas à délivrer à la société absorbante, l’avertissement personnel destiné aux créanciers titulaires d’une sûreté publiée. La société absorbante ne pourra se prévaloir du défaut de notification de l’avertissement personnel pour solliciter un relevé de forclusion. Le liquidateur judiciaire n’est pas juge de la régularité des inscriptions et peut donc se fier aux mentions du livre foncier.

En vertu de l’article L.622-24 I du Code de commerce, afin d’assurer la protection des créanciers titulaires d’une sûreté publiée, ces derniers sont avertis personnellement ou, s’il y a lieu, à domicile élu par le mandataire judiciaire, de la nécessité de déclarer leurs créances. Le délai de déclaration de créances de deux mois ne court qu’à compter de la notification de cet avertissement.

En l’espèce, une société a été placée en liquidation judiciaire le 20 septembre 2011 et le jugement a été publié au BODACC le 27 octobre 2011. Le liquidateur judiciaire, après avoir consulté le livre foncier, a invité, en application de l’article L.622-24 I, une société à déclarer ses créances dans la mesure où elle apparaissait comme titulaire d’une sûreté hypothécaire publiée.

Pourtant, antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, cette société avait fait l’objet d’une fusion-absorption. La société absorbante n’a pas été personnellement avisée par le liquidateur judiciaire de la nécessité pour elle de déclarer ses créances. Venue au droit de la société absorbée, elle a déclaré sa créance le 28 juillet 2015 et a saisi le juge-commissaire d’une demande en relevé de forclusion.

À la suite du rejet de la cour d’appel, la société absorbante a formé un pourvoi en cassation.

Elle soutenait qu’aucune forclusion ne pouvait lui être opposée dès lors qu’en sa qualité de créancier titulaire d’une sûreté publiée, elle aurait dû être avertie personnellement de la nécessité de procéder à une déclaration de créances.

La Cour de cassation n’a pas fait droit aux demandes de la société absorbante. Elle a constaté que sur le livre foncier, il n’était fait mention que de la société absorbée et que cette inscription avait été renouvelée, à la suite du traité de fusion, avec le nom de ladite société absorbée.

En conséquence, elle a confirmé le raisonnement de la cour d’appel qui avait jugé que le liquidateur, qui n’est pas juge de la régularité des inscriptions, pouvait se fier aux mentions du livre foncier et n’avait pas à délivrer à la société absorbante, l’avertissement personnel destiné aux créanciers titulaires d’une sûreté publiée.

La Cour de cassation rejette donc le pourvoi et a fortiori, la demande en relevé de forclusion.

La solution retenue par la Cour de cassation est logique. En effet, aux fins d’identifier les créanciers devant être personnellement avertis, le liquidateur judiciaire ne peut se fonder que sur les registres officiels dont l’objet est justement de permettre l’information des tiers et l’opposabilité des droits réels des créanciers. Tel est ainsi l’objet du livre foncier s’agissant des sûretés et de privilèges immobiliers.

Le liquidateur judiciaire ne peut être juge de la régularité des mentions y figurant. C’est donc au créancier, et en particulier à la société absorbante dans l’hypothèse d’une fusion-absorption, qu’il appartient de régulariser (ou de mettre à jour) les publications. S’il ne le fait pas, il s’expose à être dans l’incapacité de déclarer les créances nées antérieurement à l’opération de fusion et garanties par des sûretés publiées par la société absorbée.

A rapprocher : Article L.622-24 I du Code de commerce

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