Cass. soc., 15 septembre 2021, n° 19-25.613
Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance. Aucune forme particulière n’est prévue pour cette ratification, ce dont il résulte qu’elle peut être implicite.
Le 25 octobre 2017, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne a ouvert un redressement judiciaire au bénéfice d’une société exerçant une activité de plâtrerie, ladite procédure ayant été convertie courant 2019 en liquidation judiciaire.
Dans le délai légal, une banque a déclaré par l’intermédiaire d’un salarié, sa créance correspondant au solde d’un prêt au passif de la société. Cette créance a été contestée par le mandataire judiciaire aux fins de la voir rejetée, au motif que l’auteur de la déclaration n’était pas titulaire d’une délégation de pouvoir régulière.
C’est là le sujet dont a été saisi la Haute Juridiction.
Le juge-commissaire a souscrit à l’argumentation du mandataire judiciaire et a donc rejeté l’admission de la créance. En effet, ce dernier soutenait que la délégation de pouvoir avait été consentie par le créancier de la société, avant son absorption par la banque pour le compte de laquelle la créance était déclarée. Or cette délégation n’ayant pas été régularisée postérieurement à l’absorption, celle-ci était caduque.
Le créancier bancaire a interjeté appel de l’ordonnance et a demandé que sa créance soit admise au passif de la société débitrice. La Cour d’appel de Lyon a fait droit aux prétentions de la banque en ce que « cette ratification rend sans objet la discussion entre les parties sur la régularité, la permanence, l’efficacité et l’acceptation de la délégation de pouvoir fournie par [le salarié de la banque] lors de l’envoi de la déclaration de créance ».
Le mandataire liquidateur se pourvoit alors en cassation. D’une part, il fait valoir que la délégation de pouvoir avait été rédigée par le dirigeant de la société absorbée et que dès lors, cette dernière ayant disparu au moment de la déclaration de créance, le dirigeant de la société absorbante ne pouvait pas confirmer une délégation de pouvoir qu’il n’avait pas lui-même consentie. D’autre part, il soutient à titre subsidiaire qu’une telle confirmation ne vaudrait au demeurant pas ratification de la déclaration de créance.
La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement du liquidateur et rejette son pourvoi.
Tout d’abord, elle rappelle que selon l’article L. 622-24 alinéa 2 du code de commerce, le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance et aucune forme particulière n’est prévue pour cette ratification, qui peut être implicite.
Ensuite, la chambre commerciale relève que « l’arrêt [attaqué] constate que la [banque] a, dans ses conclusions d’appel signées et notifiées par son avocat, demandé l’admission de sa créance, ce dont il résulte qu’elle a nécessairement ratifié la déclaration de créance faite en son nom ».
Depuis plusieurs années, la jurisprudence de la Haute Juridiction tend à atténuer le formalisme attaché à la déclaration des créances afin que les créanciers puissent faire valoir plus aisément leurs droits dans la procédure collective de leur débiteur.
Ainsi, la Cour a posé comme principe que « la preuve de l’identité du déclarant peut être faite, même en l’absence de signature de la déclaration, par tous moyens, jusqu’au jour où le juge statue » (Cass. Com., 21 nov. 2006, n°05-17.008 ; Cass. Com., 26 janv. 2010, n°09-10.294).
En introduisant la possibilité pour le créancier de ratifier, jusqu’à ce que le juge statue, la déclaration de créance faite par son préposé ou un tiers, l’ordonnance du 12 mars 2014 a mis fin à l’abondant contentieux qui était né autour de la question de la régularité pour défaut de pouvoir du déclarant.
Ainsi, il ne s’agit plus de justifier a posteriori d’une délégation de pouvoir précédemment confiée. Il est désormais possible de valider une déclaration, qui n’est peut-être pas nécessairement conforme aux délégations de pouvoirs. Ainsi un salarié ou un tiers, même sans détenir un pouvoir régulier, pourra déclarer la créance, laquelle, en cas de difficulté pourra être ratifiée par la personne munie du pouvoir, jusqu’à l’audience d’appel.
Le Professeur Pierre-Michel Le Corre souligne à juste titre que cette ratification pouvant être faite jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance – c’est dire jusque devant la cour d’appel -, qui plus est par de simples conclusions, « autant affirmer que la question du pouvoir pour déclarer les créances est morte » (Déclaration et vérification des créances : quels changements ? : Gaz. Pal. 31 déc. 2014 – 1er janv. 2015, p. 42).
L’arrêt commenté réaffirme la position de la chambre commerciale qui avait récemment à nouveau reconnu que « le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance et aucune forme particulière n’est prévue pour cette ratification, qui peut être implicite » (Cass. Com., 10 mars 2021, n° 19-22.385).
Par conséquent, dès lors que le créancier a ratifié la déclaration faite en son nom de manière claire et non équivoque, il n’a pas à formaliser une nouvelle délégation de pouvoir. Aucune forme n’est imposée pour la ratification de la créance, laquelle peut être seulement implicite, et notamment en demandant l’admission de la créance dans les conclusions devant la cour d’appel.
A rapprocher: Article L. 622-24 du code de commerce ; Cass. Com., 21 nov. 2006, n°05-17.008 ; Cass. Com., 26 janv. 2010, n°09-10.294 ; Cass. Com., 10 mars 2021, n° 19-22.385