L’indication impérative de la rémunération maximale du mandataire ad hoc/conciliateur

Cass. com., 3 octobre 2018, n°17-14.522

Après avoir recueilli l’accord du débiteur et en cas de recours à une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation, le Président du Tribunal de commerce fixe les conditions de la rémunération du mandataire ad hoc ou du conciliateur. 

Ce qu’il faut retenir : Après avoir recueilli l’accord du débiteur et en cas de recours à une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation, le Président du Tribunal de commerce fixe les conditions de la rémunération du mandataire ad hoc ou du conciliateur. Ces conditions doivent impérativement préciser le montant maximal de cette rémunération, faute de quoi cette dernière est laissée à la libre appréciation du juge taxateur.

Pour approfondir : En l’espèce, la société S sollicite l’ouverture d’une procédure de mandat ad hoc devant le Président du Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion.

Par ordonnance rendue le 30 mars 2015, le Président de la juridiction consulaire fait droit à cette demande et désigne M. F en qualité de mandataire ad hoc dont la mission est d’assister la direction générale de la société S dans ses diligences en vue d’aboutir à une restructuration de ses fonds propres, quasi propres et de son endettement ainsi que dans ses démarches auprès des banques et établissements financiers.

Cette même ordonnance fixe les conditions de la rémunération du mandataire ad hoc en se fondant sur la convention d’honoraires conclue le 26 mars 2015 entre la société S et M. F aux termes de laquelle il est notamment prévu un honoraire de moyen calculé sur la base de vacations aux taux horaire de 280 € H.T.

Par la suite, la procédure de mandat ad hoc ne connaît pas le succès escompté et la société S sollicite l’ouverture d’une procédure de conciliation.

Par ordonnance datée du 17 juillet 2015, le Président du Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion fait droit à cette demande et désigne, de nouveau, M. F en qualité de conciliateur dont la mission consiste notamment à finaliser la mise en place d’un prêt pari passu par les banques de la société S.

A l’issue de cette procédure, une ordonnance de taxe du Président de la juridiction consulaire fixe la rémunération du conciliateur à hauteur de 181.475,43 € correspondant à l’ensemble des missions effectuées par M. F et se fondant sur la convention d’honoraires conclue le 26 mars 2015.

Cependant, la société S conteste le montant de cette rémunération et forme un recours à l’encontre de cette ordonnance devant le 1er Président de la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, lequel est compétent en la matière conformément aux dispositions de l’article L.611-14 du Code de commerce.

La société S estime notamment que le Président de la juridiction consulaire ne pouvait se fonder sur la convention d’honoraires conclue le 26 mars 2015 pour déterminer cette rémunération dans la mesure où elle ne précise pas le montant maximal du mandataire ad hoc.

En effet, le législateur a expressément prévu que soit indiqué, dans la convention d’honoraires du mandataire ad hoc ou du conciliateur, le montant maximal de sa rémunération, afin que le débiteur en difficulté soit parfaitement éclairé sur les conséquences financières et qu’il puisse s’engager en toute connaissance de cause.

Par ordonnance datée du 13 décembre 2016, le 1er Président rejette cette argumentation et confirme l’ordonnance de taxe estimant que si la convention ne comporte pas de montant maximal, en revanche elle précise les modalités et les critères de calcul des honoraires, ce qui permet de fixer la rémunération du mandataire ad hoc.

La société S conteste, de nouveau, cette interprétation et porte le litige devant la chambre commerciale de la Cour de cassation.

Par un arrêt daté du 3 octobre 2018 publié au bulletin, la chambre commerciale fait droit aux demandes de la société S en se fondant sur les dispositions des articles L.611-14, L.611-47 et R.611-49 du Code de commerce et indique que :

« Il résulte de la combinaison de ces textes que le montant maximal de la rémunération du mandataire ad hoc ou du conciliateur est compris dans les conditions de celle-ci et doit donc figurer dans les propositions que ces derniers sont tenus d’adresser au débiteur sur leur rémunération ainsi que dans l’ordonnance du président les désignant, à laquelle l’accord du débiteur sur cette rémunération doit être annexé, de nouvelles conditions de rémunération devant être arrêtées en accord avec le débiteur lorsque le mandataire ou le conciliateur estime que le montant maximal fixé par l’ordonnance est devenu insuffisant ; que, dès lors, en l’absence d’indication d’un montant maximal, la rémunération du mandataire ad hoc ou du conciliateur ne peut être déterminée par référence à leurs propositions et à l’accord du débiteur, mais est arrêtée librement par le juge taxateur, en considération des seules diligences accomplies et des frais engagés ».

Il en résulte qu’à défaut d’indication d’un montant maximal concernant la rémunération du mandataire ad hoc, désigné par la suite en qualité de conciliateur, le montant des honoraires de ce dernier est laissé à la libre appréciation du juge taxateur au regard des diligences réellement effectuées.

A rapprocher : Articles L.611-14, L.611-47 et R.611-49 du Code de commerce

Sommaire

Autres articles

Date d’appréciation de l’absence de cessation des paiements depuis plus de 45 jours
Date d’appréciation de l’absence de cessation des paiements depuis plus de 45 jours Versailles, 13e ch., 15 nov. 2022, n°22/04167     Ce qu’il faut retenir : La date à prendre en compte pour apprécier la condition tenant à l’absence de…
some
Responsabilité recherchée d’un cabinet d’expertise chargé de réaliser un audit avant la réalisation d’une opération de LBO
Dans le cadre d’une opération de LBO, le dirigeant a mandaté un cabinet d’audit chargé d’établir un prévisionnel de la société cible sur les trois années à venir.
Pérennisation des mesures de prévention « COVID »
Au printemps 2020, face à la crise sanitaire et à ses multiples conséquences économiques, il fut nécessaire d’adapter, dans l’urgence, le droit des entreprises en difficulté afin de pouvoir faire face à une situation inédite.
some
Plan d’action du Gouvernement : mise en place de procédures amiables et collectives simplifiées et accélérées
Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, et Eric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, ont dévoilé le 1er juin 2021 un plan d’action pour accompagner les entreprises dans la sortie de crise.
some
Pas de QPC sur les droits des actionnaires dans le cadre d’un prepack cession
Si la question de la constitutionnalité des dispositions légales relatives au régime du prepack cession peut se poser, notamment en ce qui concerne la préservation des droits des actionnaires, le Conseil d’Etat refuse toutefois de renvoyer devant le...
some
Interview d’Emmanuel DRAI, Associé en Restructuring, par B SMART
Retrouvez Emmanuel DRAI en interview dans l'émission "Smart Job" par B SMART.