Date d’appréciation de l’absence de cessation des paiements depuis plus de 45 jours
Ce qu’il faut retenir :
La date à prendre en compte pour apprécier la condition tenant à l’absence de cessation des paiements depuis plus de 45 jours d’une société sollicitant l’ouverture d’une procédure de conciliation, posée par l’article L. 611-4 du code de commerce, s’apprécie au jour où le Président statue sur l’ouverture d’une telle procédure, et non au jour du dépôt de sa requête par le débiteur.
Pour approfondir :
L’article L. 611-4 du code de commerce dispose des conditions de l’ouverture d’une procédure de conciliation. Au nombre de ces conditions, le débiteur doit justifier ne pas être en état de cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.
Cependant, cette disposition ne précise pas à quelle date il convient de se placer pour apprécier le respect de cette condition.
C’est sur cette question que s’est prononcée la cour d’appel de Versailles dans l’arrêt commenté.
Une procédure de conciliation a été ouverte au bénéfice d’une société.
Le Procureur de la République, estimant que les conditions d’ordre public de l’ouverture d’une procédure de conciliation n’étaient pas réunies, a fait usage de son pouvoir exclusif d’interjeter appel de l’ordonnance d’ouverture (CA Rennes, 18 oct. 2011, n° 11/02954).
En effet, le ministère public estime que la société était en état de cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours avant la date de l’ordonnance d’ouverture. Il reproche notamment au Président d’avoir considéré que ce délai s’apprécie à la date de la requête et non à la date à laquelle il statue.
Ce faisant, se trouve ici transposé le raisonnement selon lequel en matière de cessation des paiements, en cas d’appel, l’état de cessation des paiements de la personne poursuivi, notion évolutive, s’apprécie au jour où la cour statue (CA Douai, ch. 2, sect. 1, 28 mai 2020, n° 19/05525. – CA Douai, ch. 2, sect. 2, 4 juin 2020, n° 19/06117. – CA Douai, ch. 2, sect. 1, 28 janv. 2021, n° 20/00090).
Les juges du fond font droit à l’appel du Procureur de la République et infirment l’ordonnance d’ouverture de la procédure de conciliation.
Ils considèrent alors que la situation du débiteur doit être appréciée à la date où il est statué sur la demande d’ouverture d’une procédure de conciliation. La cour d’appel justifie notamment cette décision par les incidences néfastes d’un long délai sur la célérité des actions à adopter pour remédier aux difficultés rencontrées par le débiteur ainsi que ses conséquences dommageables pour ses partenaires économiques.
Pourtant, et comme le souligne parfaitement la Cour, les articles L. 631-4 et L. 640-4 du code de commerce, imposent au débiteur en cessation de paiements de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire « dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation ». En outre, l’article L. 628-1 du même code, s’agissant de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée, fait référence à « la date de la demande d’ouverture de la procédure de conciliation ».
Ainsi, ces textes faisant référence au jour de la demande, il aurait été possible de considérer que l’appréciation du délai doit également s’apprécier à cette date pour l’ouverture d’une procédure de conciliation.
On comprend cependant pourquoi il est nécessaire que le juge apprécie la réalité des difficultés au jour où il statue, dans la mesure où il n’y aurait aucun intérêt d’ouvrir une telle procédure si celles-ci venaient à avoir finalement disparues postérieurement au dépôt de la demande d’ouverture.
En revanche, il apparaît assez strict d’apprécier à cette même date le respect du délai de quarante-cinq jours.
En effet, l’objectif du législateur était, en posant une telle condition, d’éviter que des débiteurs qui n’ont pas su réagir à temps puissent bénéficier d’une procédure de conciliation. Cependant, un débiteur qui a déposé une demande d’ouverture dans le délai légal de quarante-cinq jour a su réagir suffisamment rapidement (F.-X Lucas, Eligibilité à la conciliation d’un débiteur en cessation des paiements, LEDEN janv. 2023, n° DED201h2).
Cette décision invite donc les présidents saisis à veiller au délai de traitement entre le dépôt de la requête en ouverture et l’ordonnance mais fragilise, par là même, l’attrait des la procédure de conciliation (C. Droz, Hogan Lovells, Conditions d’éligibilité à la conciliation : péril en la demeure ! Option Finance, 10 mars 2023)
Un article rédigé par Romane Holsynder, du département Entreprises en difficulté et Retournement