La faillite personnelle : l’exclusion des faits postérieurs à l’ouverture de la procédure collective

Cass. com., 23 octobre 2019, n°18-12.181

Seuls des faits antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé de la faillite personnelle. Ainsi, lorsque les faits reprochés ont eu lieu le jour même de l’ouverture de la procédure collective, ces derniers sont considérés comme étant postérieurs à cette ouverture, le jugement d’ouverture prenant effet le jour de son prononcé à 0 heure.

En l’espèce, la société S est placée en procédure de liquidation judiciaire le 5 octobre 2010.

Le liquidateur désigné dans le cadre de ce dossier décide d’agir à l’encontre de certains dirigeants de droit et de fait de la société S, dont M. N, aux fins de voir prononcer, à leur encontre, une mesure de faillite personnelle.

Après une première décision d’instance, l’affaire est portée devant la cour d’appel de Dijon, laquelle prononce, par arrêt rendu le 21 décembre 2017, la faillite personnelle de M. N, les juges du fond relevant que ce dernier aurait commis un détournement d’actif de la société S le 5 octobre 2010 à 8 heures.

Plus précisément, il était reproché à M. N d’avoir réalisé un virement d’une somme de 10.624 € du compte bancaire de la société S sur son compte bancaire personnel.

Compte tenu de la condamnation précitée, M. N décide de former un pourvoi en cassation.

Se fondant sur les dispositions des articles R.621-4 et L.653-4 du Code de commerce, la Cour de cassation casse et annule, par arrêt rendu le 23 octobre 2019, la décision rendue par la cour d’appel de Dijon et rappelle, aux termes d’un attendu de principe clair et concis, que :

« Seuls les faits antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective peuvent justifier le prononcé de la faillite personnelle ».

Or, en l’espèce, la Cour de cassation relève que les faits reprochés à M. N ont eu lieu à 8 heures, le jour même de l’ouverture de la procédure collective laquelle prend effet le jour de son prononcé à 0 heure.

Par conséquent, selon la Cour suprême, les faits reprochés à M. N étant postérieurs à l’ouverture de la procédure, ceux-ci ne pouvaient permettre de prononcer une mesure de faillite personnelle.

Cette interprétation, bien que conforme à la jurisprudence antérieure (Cass. com., 17 octobre 2000, n°98-13.106 ; Cass. com., 28 avril 2009, n°08-10.145), n’est pas des plus évidentes.

En effet, il convient de constater que les textes applicables en la matière ne précisent aucunement que la faillite personnelle ne peut être prononcée qu’en raison de faits antérieurs à l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

Aussi, cette approche peut, in fine, laisser paraître une certaine indulgence à l’égard du dirigeant qui aurait commis un tel détournement le jour même de l’ouverture de la procédure.

A cet égard, certains auteurs ont pu relever ironiquement que : « le dirigeant échappe à la faillite personnelle s’il attend l’ouverture de la procédure pour détourner les biens de sa société ».

Toutefois, si des faits commis postérieurement à l’ouverture de la procédure ne peuvent fonder une mesure de faillite personnelle, en revanche, le droit des procédures collectives reste en mesure de sanctionner un tel comportement, notamment par le biais de l’infraction de banqueroute, évoquée aux termes de l’article L.654-2 du Code de commerce.

En effet, la jurisprudence considère, à défaut de précisions textuelles, que l’infraction de banqueroute peut être caractérisée en présence d’un détournement d’actif postérieur à l’état de cessation des paiements (Cass. crim., 20 mars 1995, n°94-82.163).

A rapprocher : Articles L.653-4, L. 654-2 et R.621-4 du Code de commerce ; Cass. com., 17 octobre 2000, n°98-13.106 ; Cass. com., 28 avril 2009, n°08-10.145 ; Cass. crim., 20 mars 1995, n°94-82163 ; « Le dirigeant échappe à la faillite personnelle s’il attend l’ouverture de la procédure pour détourner les biens de sa société » (Jocelyne VALLASAN, Lettre d’actualités des Procédures collectives civiles et commerciales n°10, Juin 2009, alerte 162)

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