L’efficacité de la déclaration d’insaisissabilité subsiste à la cessation de l’activité professionnelle

Cour de cassation, chambre commerciale, 17 novembre 2021, n° 20-20.821

Les effets d’une déclaration notariée d’insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints. Par conséquence, sauf renonciation du déclarant, la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin aux effets de la déclaration.

Un entrepreneur individuel a déclaré insaisissable une maison d’habitation lui appartenant. Après avoir publié au répertoire des métiers la cessation de son activité professionnelle, il s’est déclaré en cessation des paiements et le tribunal a prononcé l’ouverture d’une liquidation judiciaire à son égard. Le débiteur ayant opposé la déclaration notariée d’insaisissabilité au liquidateur désigné, ce dernier l’a assigné en inopposabilité de celle-ci, au motif que la cessation de son activité emportait également cessation des effets de la déclaration d’insaisissabilité.

Si les premiers juges du fond avaient considéré que la déclaration notariée d’insaisissabilité était privée de tout effet au moment où le débiteur avait perdu le statut d’entrepreneur individuel par sa radiation au répertoire des métiers la rendant inopposable à la liquidation judiciaire, la cour d’appel en a décidé autrement.

Sur le pourvoi formé par le liquidateur, celui-ci fait grief à l’arrêt d’avoir jugé opposable à la liquidation judiciaire la déclaration notariée d’insaisissabilité du débiteur alors qu’aux termes de l’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure au 6 août 2015 applicable en la cause, « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur […] tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel ». Selon le liquidateur, le texte étant d’application stricte, la perte de la qualité d’exploitant professionnel par le débiteur du fait de sa radiation du répertoire des métiers avait mis fin aux effets de la déclaration d’insaisissabilité, antérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire. Elle était donc inopposable au liquidateur.

La Cour de cassation rejette cette argumentation. Pour la Haute Juridiction, la déclaration notariée d’insaisissabilité publiée par la personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant (solution classique, voir par ex. Cass. Com., 10 mars 2021, n° 19-21.971). Il en résulte que les effets de cette déclaration subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, sauf renonciation du déclarant lui-même.

Par conséquent, la cessation de l’activité professionnelle du débiteur ne met pas fin par elle-même à la protection offerte par la déclaration d’insaisissabilité, objectif premier du texte.

Cette solution s’inscrit dans la lignée de ce que le législateur a prévu à l’article L. 526-3 du code de commerce, quant à l’efficacité de la déclaration notariée d’insaisissabilité. Ainsi, en cas de décès du débiteur déclarant ou de dissolution de son régime matrimonial, les effets de l’insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent.

La position retenue est logique et doit être approuvée. Toute solution contraire imposerait au débiteur de ne jamais arrêter d’exploiter, tant que les créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la prise d’effet de cette protection notariée n’ont pas tous été réglés …

Enfin, il convient de souligner que l’arrêt est rendu au visa de l’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-990 du 6 août 2015. Cette dernière a rendu insaisissable de plein droit la résidence principale – en tout ou partie – non affectée à l’activité professionnelle du débiteur. En tout état de cause, l’arrêt commenté a une portée générale, il s’applique à l’identique pour tous les biens stipulés dans la déclaration, ainsi qu’à l’insaisissabilité légale des droits portant sur la résidence principale issue de la loi Macron.

A rapprocher : Articles L. 526-1 et 3 du code de commerce dans leur rédaction antérieure au 6 août 2015 ; Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ; Cass. Com., 10 mars 2021, n° 19-21.971

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