Indivisibilité de la procédure de vérification des créances, droits propres du débiteur et notification à l’adresse personnelle de son représentant légal

Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 9, 20 janvier 2022, n°21/09000

La procédure de vérification du passif étant indivisible et le débiteur disposant, en cette matière, d’un droit propre, la déclaration d’appel contre l’ordonnance de rejet du Juge commissaire doit être signifiée, à défaut de siège social en raison de la liquidation de la société, à l’adresse personnelle de son représentant légal, et non à l’adresse du liquidateur ès qualités.

La procédure de vérification du passif obéit au principe d’indivisibilité qui impose que la personne intéressée contestant l’ordonnance de rejet du juge commissaire, appelle à l’instance d’appel, à peine d’irrecevabilité, le créancier, le débiteur et le mandataire/liquidateur judiciaire (Cass. com., 28 mars 2018, n°16-26.453).

L’arrêt commenté est l’occasion pour la Cour d’appel de Paris de rappeler que le débiteur, en matière de vérification des créances dispose d’un droit propre et doit, de ce fait, être attrait à la procédure.

Faute de constitution devant la cour d’appel, l’appelant doit veiller au respect des règles et délais de la procédure en notifiant ses actes de procédure au débiteur défaillant à sa bonne adresse : siège social ou, hypothèse la plus courante, à défaut au domicile personnel de son représentant légal.

En l’espèce, une banque ayant déclaré sa créance au passif de la procédure collective de sa débitrice, voit sa créance rejetée par le Juge commissaire.

Dans le cadre de l’appel interjeté par la banque à l’encontre de l’ordonnance de rejet, la société débitrice ne constitue pas avocat ; l’appelant l’assigne et lui dénonce l’appel à l’adresse, non du domicile personnel de son représentant légal, mais à l’adresse du liquidateur, ès qualités.

Saisi par le liquidateur, le conseiller constate la caducité de la déclaration d’appel en retenant notamment qu’en application des articles L. 641-9 et R. 624-4 du code de commerce, le débiteur dispose d’un droit propre à contester la créance et qu’il est représenté par ses dirigeants sociaux et non par le liquidateur. La signification devait dès lors être faite au domicile personnel du dirigeant en application du 4° de l’article R. 662-1 du code de commerce.

L’ordonnance est ainsi déférée à la Cour, la banque considérant principalement que « la signification obéit aux articles 654 et suivants du code de procédure civile et que l’article R. 662-1, 4° du code de commerce, qui semble réservée à l’usage du greffe, ne déroge pas à leur primauté ». La banque justifie encore son choix d’une signification à l’adresse du liquidateur judiciaire dans la mesure où « il repose sur celui-ci une obligation légale de remettre le courrier ad hoc contenant la décision du recours et/ou la convocation à comparaître au débiteur ».

La Cour d’appel de Paris n’approuve pas cette argumentation et rejette le déféré aux termes d’une motivation limpide : « En l’absence de siège social du fait de la liquidation de la société, et compte tenu de l’absence de représentation du débiteur par le mandataire judiciaire, il appartient au créancier appelant de l’ordonnance critiquée, de signifier la déclaration d’appel au représentant de la société débitrice, à son adresse personnelle. En effet seul le représentant légal de la société est habilité à recevoir un acte dans le cadre de l’exercice des droits propres de la société ».

Si la solution de la Cour s’inscrit dans la continuité de ses précédentes décisions (notamment CA Paris, 28 mars 2017, n°16/22423), on peut regretter l’incertitude qu’a fait naitre l’ordonnance du 12 mars 2014 en supprimant l’article L. 641-9 du code de commerce de la mention selon laquelle « le siège social est réputé fixé au domicile du représentant légal de l’entreprise ou du mandataire désigné ».

Sous l’empire de cette version du texte, il n’y avait guère lieu de s’interroger.

Le décret du 30 juin 2014 a tenté de rectifier cette suppression. L’article R. 662-1, 4° dispose en effet que « les notifications et lettres adressées au débiteur, personne morale de droit privé, peuvent l’être au domicile de son représentant légal ou du mandataire ad hoc désigné conformément au II de l’article L. 641-9. ».

Néanmoins, contrairement à l’ancienne version de l’article L. 641-9 du code de commerce, aucune obligation de notifier les actes au domicile du représentant légal de la société débitrice n’est imposée. La faculté ouverte par cet article est hélas source d’ambiguïté.

 

A rapprocher : Ordonnance n°2014-326, du 12 mars 2014 ; Articles L.641-9, R. 624-4 et R. 662-1 du code de commerce ; CA Paris, 28 mars 2017, n°16/22423 ; Cass. com., 28 mars 2018, n°16-26.453

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