Difficultés des entreprises : une nouvelle ordonnance contre le Covid-19

Ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020

Cette ordonnance qui porte adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, comporte des mesures nécessairement temporaires et doit assurer et garantir l’équilibre entre le débiteur et les créanciers.

Que vous inspire l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020, quant à son opportunité et sa portée ?

Ces mesures s’inscrivent dans la continuité de la loi du 23 mars 2020, modifiée par la loi du 11 mai 2020, prorogeant l’état d’urgence sanitaire du 23 mai au 11 juillet 2020, et des ordonnances n° 2020-306 du 25 mars 2020, et n° 2020-341 du 27 mars 2020, qui tiennent éminemment compte de l’état d’urgence sanitaire et qui en ce sens ont mis en place des mesures qui permettent d’assurer d’ores et déjà pour partie la période post état d’urgence sanitaire.

Ainsi, l’ordonnance, qui ne comprend que onze articles, précise en son article 10 que la plupart de ses dispositions s’appliquent aux procédures en cours, et jusqu’au 31 décembre 2020 inclus. Mais aussi, par exception, que certaines dispositions, qui s’inspirent de la directive du 20 juin 2019, sont applicables jusqu’à la transposition de celle-ci et au plus jusqu’au 17 juillet 2021 inclus.

Comment se traduit cette accélération ?

Tout d’abord, l’ordonnance fige l’état d’urgence sanitaire au 23 mai, neutralisant ainsi l’aléa de la prorogation de la « durée » stricto sensu de celui-ci. Dans la continuité, la nouvelle rédaction selon laquelle « sont prolongés, jusqu’à l’expiration du délai prévu au I (23 juin 2020), d’une durée de trois mois », la durée de la période d’observation, des plans, du maintien de l’activité et de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée facilite d’autant l’interprétation idoine des durées ainsi consacrées. Une interprétation littérale, littéraire et maximaliste, en raison de la protection bien compris qu’elle offre aux débiteurs et aux créanciers des procédures collectives, tend à considérer que, dès lors que l’une quelconque de ces durées est en cours ou ouverte entre le 23 mars et le 23 juin 2020 inclus, elles sont prolongées de plein droit pour une durée de trois mois de date à date. Le rapport au Président est explicite sur ce point lorsqu’il précise que cette prolongation ne peut être définie autrement qu’en mois, et non par des dates, puisqu’elle s’ajoute aux durées des procédures en cours ou mises en œuvre. Cette rédaction, bien qu’encore imparfaite, devrait être moins encline à la controverse et évitera que trop de délais n’expirent au courant de l’été 2020, période peu propice aux négociations et perspectives, et donc défavorables aux débiteurs et créanciers.

Ensuite, l’ordonnance prévoit une réduction facultative du délai de consultation des créanciers sur les propositions de règlement des dettes inscrit à l’article L. 626-5 du code de commerce, de trente à quinze jours sur décision du juge-commissaire. De même, le délai de convocation des cocontractants dans le cadre de l’examen d’une offre de cession prévu à l’article R. 642-7 est ramené de quinze à huit jours.

Enfin, l’accès à la procédure de liquidation simplifiée est considérablement élargi puisque sont écartées les conditions de seuils à l’égard des personnes physiques dont le patrimoine ne comprend pas de bien immobilier. Dans le même esprit, le seuil d’éligibilité à la procédure de rétablissement professionnel est rehaussé de 5 000 € à 15 000 € concernant la valeur de l’actif.

Cette accélération constatée se conjuguerait donc avec une certaine facilité et efficacité des procédures ?

Dans l’idée de renforcer l’attractivité et l’efficacité de la procédure de conciliation, l’ordonnance prévoit la faculté pour le débiteur d’obtenir l’interruption ou l’interdiction des actions en justice, l’arrêt ou l’interdiction des voies d’exécution, ou le report ou l’échelonnement des sommes dues, par ordonnance sur requête, dans l’hypothèse où un créancier n’accepte pas la demande formulée par le conciliateur de suspendre l’exigibilité de sa créance. Le débiteur pourra également compter sur l’élargissement des délais de l’article L. 611-7, alinéa 5, devant le même refus d’un créancier.

On relève aussi l’inapplicabilité des seuils d’éligibilité à la sauvegarde accélérée et à la sauvegarde financière accélérée afin d’en faciliter le recours. Par ailleurs, dans le dessein de favoriser l’adoption des plans de sauvegarde ou de redressement, les engagements pour le règlement du passif peuvent être établis sur la base d’une attestation de l’expert-comptable ou du commissaire aux comptes, et portés sur les créances déclarées admises ou non contestées, ainsi que sur les créances identifiables, là où, en l’état de la juris- prudence constante, tout le passif déclaré doit être considéré.

Ensuite, il est prévu pour soutenir l’exécution desdits plans, que leur durée puisse être, d’une part, prolongée jusqu’à deux ans sur requête du ministère public ou du commissaire à l’exécution du plan et, d’autre part, portée à douze ans pour les entreprises et dix-sept ans pour les exploitations agricoles par modification substantielle du plan. Ces modalités se cumulent, le cas échéant, à la ou aux prolongations instituées par l’ordonnance du 27 mars 2020.

Enfin, l’ordonnance consacre l’avènement, avant l’heure, d’un privilège de « post money », pour les personnes qui concourent à un nouvel apport en trésorerie pendant la période d’observation ou au soutien de l’exécution d’un plan arrêté ou modifié.

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