Activité partielle vs prise en charge AGS

La crise sanitaire actuelle a incité les pouvoirs publics à adopter des mesures de soutien, afin de prévenir notamment les conséquences sociales qu’une telle situation pourrait entraîner. Le gouvernement français a ainsi privilégié la prise en charge des salaires par la généralisation du dispositif de chômage partiel ou total appelé « activité partielle ».

Parallèlement, le régime de garantie des salaires (AGS) relatif aux entreprises en difficulté a également évolué, afin d’adapter ses modalités d’intervention.

Pour pallier les difficultés liées à la crise sanitaire actuelle, des dispositions particulières ont été mises en place par le gouvernement pour soutenir les entreprises et préserver le paiement des salaires, via notamment, l’activité partielle. 

Des dispositions ont également été intégrées afin de donner aux mandataires-liquidateurs judiciaires, les moyens d’exercer leur mission, notamment à l’égard de l’Assurance de Garantie des Salaires (AGS), et ce malgré le contexte actuel, toujours dans un souci de faciliter le règlement des salaires.

  • Les mesures de soutien via l’activité partielle

Conformément au décret n° 2020-325 du 25 mars 2020, les entreprises peuvent solliciter une « allocation d’activité partielle » pour un ou plusieurs de leurs employés dans l’impossibilité de travailler, si elles se trouvent dans l’un des cas suivants :

– Être concernées par les arrêtés prévoyant une fermeture ;

– Être confrontées à une baisse d’activité ou à des difficultés d’approvisionnement ;

– Être dans l’impossibilité de mettre en place les mesures de prévention nécessaires à la protection de la santé de l’ensemble de ses salariés (télétravail, geste barrière, etc.).


Au titre de l’activité partielle, l’employeur doit verser une indemnité équivalente à au moins 70% de la rémunération antérieure brute des salariés. 

L’indemnité ainsi versée par l’employeur sera intégralement remboursée par l’Etat, pour les salaires jusqu’à 6.927 euros bruts mensuels.

L’autorisation d’activité partielle peut être accordée par la DIRECCTE pour une durée maximum de 12 mois.

Conformément à l’article R.5122-16 du Code de commerce, le recours à l’activité partielle est possible dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.

Il est à prévoir que compte tenu du coût supporté par l’Etat, dans le cadre de ce dispositif qui a été largement sollicité par les entreprises, depuis le début de la crise sanitaire, de nombreux contrôles a posteriori vont être initiés par l’administration, dans les prochains mois. Or, la fraude à l’activité partielle est une infraction pénale qui est sanctionnée par, outre le remboursement des aides indument perçues, deux ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende.

  • Conditions d’intervention de l’AGS, dans le cadre d’une procédure collective

Les modalités de prise en charge des salaires par l’Assurance de Garantie des Salaires (AGS), dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, ont été simplifiées pour accélérer leur prise en charge. 

Cette prise en charge par l’AGS n’a cependant pas été étendue à la procédure de sauvegarde, et ce bien que cela aurait pu se justifier, compte tenu du contexte exceptionnel et des nombreux avantages attachés à la procédure de sauvegarde.

Il est ici rappelé que conformément aux dispositions de l’article L3253-8 et suivants du Code du travail les principales créances garanties par l’AGS, peuvent se résumer comme suit :

1° Les sommes dues aux salariés antérieurement à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire,

2° Les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant :

a) Pendant la période d’observation ;

b) Dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession ;

c) Dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant le jugement de liquidation judiciaire ;

d) Pendant le maintien provisoire de l’activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire et dans les quinze jours, ou vingt et un jours lorsqu’un plan de sauvegarde de l’emploi est élaboré, suivant la fin de ce maintien de l’activité ;

Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, de nouvelles modalités d’intervention spécifiques et exceptionnelles ont été définies et sont applicables depuis le 16 mars 2020, et notamment :

– l’AGS garantit aux salariés d’entreprises en difficulté impactées, un paiement dans les 72 heures de la réception des relevés de créances salariales établis par les mandataires judiciaires. Ce délai de règlement étant en période normale compris entre 5 et 10 jours.

– les délais pour procéder aux licenciements des salariés dans le cadre d’une procédure collective sont prolongés jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (soit jusqu’au 10 août 2020), allongeant en conséquence les périodes de référence de garantie de l’AGS sur cette même période.

– en cas de prononcé d’une liquidation judiciaire, le Régime AGS pourra garantir les créances salariales dues au titre des salaires courants (ou du montant des sommes restant à la charge de l’employeur dans le cadre des mesures décidées de chômage partiel) qui pourraient dépasser au regard de ce contexte exceptionnel, le plafond des 45 jours, au titre :

  • de la période d’observation (avec prononcé d’une liquidation judiciaire),

  • de la période suivant la liquidation judiciaire ou

  • de la fin du maintien provisoire d’activité


Cependant, la garantie de l’AGS au titre des créances de salaires sera maintenue à un plafond en montant de 45 jours.

Enfin, il convient de préciser que si la société, antérieurement à l’ouverture d’une procédure collective, a effectué une demande d’activité partielle, l’AGS garantit les salaires antérieurs à l’ouverture pour la partie qui incombe à l’employeur ; l’AGS garantit également la quote-part allant de 70% à 100 % en cas d’accord d’entreprise, de branche ou selon la convention collective.

Aussi, au regard de l’ensemble de ces mesures qui ont été dernièrement renforcées, il apparait très clairement que cette prise en charge des salaires par différents organismes tiers constitue un véritable levier visant à préserver la trésorerie et doit être précisément intégrée dans les prévisionnels de trésorerie quand il s’agit d’apprécier l’opportunité ou non d’ouvrir une procédure collective pour faire face aux difficultés rencontrées.


A rapprocher :Décret n°2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle ; Ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 ;Circulaire n° CIV/03/20 du 30 mars 2020.

Sommaire

Autres articles

some
Portabilité et résiliation du contrat
Cass. Soc. 10 mars 2022 n°20-20898 Les dispositions des articles L 911-8 et L 911-1 du code de la sécurité sociale, dispositions d’ordre public, sont applicables aux anciens salariés licenciés d’un employeur placé en liquidation judiciaire qui remplissent les conditions…
some
Absence de cumul d’indemnisation sur le fondement des articles L 1233-58 et L1235-3 du code du travail
Cass. Soc. 16 février 2022 n° 20-14969 FS-B L’indemnité de l’article L 1233-58 II alinéa 5, qui répare le préjudice résultant pour les salariés du caractère illicite de leur licenciement, ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause…
some
Clôture pour insuffisance d’actif et garantie AGS
Cass. Soc., 16 mars 2022, n° 19-20658, FP-B L’AGS garantie les créances antérieures établies par décision de justice même si cette décision de justice est postérieure à la clôture de la liquidation judiciaire. Un apprenti est engagé suivant contrat d’apprentissage…
some
Compétence du Tribunal Judiciaire – responsabilité civile personnelle du liquidateur
Cass. soc., 19 janv. 2022, n° 19-19313 La juridiction prud’homale, même en cause d’appel, n’est pas compétente pour connaître d’une demande de condamnation du liquidateur à garantir le paiement des sommes fixées au passif de la liquidation. Une salariée licenciée…
some
Procédure d’insolvabilité et compétence des juridictions françaises
La compétence exclusive de la juridiction d’ouverture de la procédure principale d’insolvabilité pour connaître des actions dérivant de cette procédure doit s’interpréter strictement.
Licenciement pour motif économique – Salarié inapte
Le licenciement pour motif économique motivé par la cessation d’activité d’une entreprise n’appartenant pas à un groupe dispense l’employeur de la mise en œuvre de la procédure spéciale de licenciement du salarié inapte.