Faut-il être accompagné – Et par qui ? – Pour traiter la crise de liquidité provoquée par le Covid-19 ?

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DRAI Emmanuel

Avocat associé

Même en ayant recours au chômage partiel, le BFR résiduel de la période en cours doit être financé. Au déconfinement, il faudra également financer le BFR du redémarrage, mais souvent avec des comptes clients à zéro, des lignes de trésorerie tirées à 100%, un crédit fournisseur absent et des délais de paiement des clients et donneurs d’ordre toujours présents.

Un certain nombre de dispositifs permettent de faire face à cette crise de liquidité (chômage partiel, reports fiscaux et sociaux, PGE, fonds de solidarité, prêt rebond, prêt atout, fonds de renforcement des PME, modification du droit des procédure collectives, etc.). 

Après plusieurs semaines de confinement, le retour d’expérience des 200 avocats de notre cabinet implantés dans les principales villes de France est unanime : il est extrêmement difficile de bénéficier de toute l’efficacité du dispositif COVID sans être accompagné par des professionnels spécialisés dans le soutien des entreprises en difficulté (même temporaire) : mandataires ad hoc, experts financiers, avocats, etc. 

Plusieurs raisons à cela : 

La difficulté de maîtriser l’ampleur du dispositif : deux chiffres pour comprendre : 20 pages pour énumérer les différentes mesures de manière synthétique et ce, sans même entrer dans les arcanes techniques de chacune d’entre elles ; 167 pages pour le FAQ du gouvernement.

Le nombre de demandes adressées : vos interlocuteurs – banques, administrations, etc. – sont submergés de demandes. Être relayé par un interlocuteur à qui l’on se doit de répondre car il bénéficie d’un mandat officiel (un mandataire ad hoc par exemple) est un atout essentiel.

La définition des besoins à financer :  le PGE par exemple ne peut être demandé qu’une seule fois. La demande doit donc inclure le besoin de trésorerie immédiat et celui nécessaire pour couvrir le BFR du redémarrage. Si le besoin immédiat est relativement simple à évaluer, le BFR de redémarrage nécessite une modélisation du business plan d’après COVID, des besoins de trésorerie en découlant et de la capacité de remboursement de l’entreprise. L’octroi d’un PGE n’est pas automatique. Les banques l’examinent sur la base de critères objectifs.  Bénéficier d’un prévisionnel établi par un tiers de confiance reconnu par les banques peut s’avérer un atout décisif pour obtenir le financement et le dimensionner au niveau requis pour faire face au BFR du redémarrage.

Entrer dans un cadre dont les règles du jeu sont dédiées à la protection de l’entreprise : les banques ont pris des engagements vis-à-vis de l’Etat d’étudier favorablement les demandes de financement et ce, dans des délais très courts. Cependant, l’entreprise demeure soumise à la règle du jeu applicable à une entreprise en bonne santé. Par définition, elle est moins favorable que le cadre légal encadrant la prévention des difficultés des entreprises où toutes les règles et tous les acteurs sont dédiés à la protection de l’entreprise.

Se pose alors la question de l’opportunité de solliciter l’ouverture d’une procédure de prévention, telle qu’une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation. 

En effet, ces procédures confidentielles ont démontré, depuis plusieurs années, leur efficacité quand il s’agit notamment de trouver un accord de restructuration amiable avec les banques, et ce pour plusieurs raisons :

  1. Réactivité des tribunaux de commerce.

L’ouverture d’une procédure de prévention peut intervenir dans des délais très courts (48h à 72h, selon les tribunaux). 

La procédure de mandat ad hoc suppose que l’entreprise concernée ne soit pas en état de cessation des paiements. Etant précisé que suite à l’ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020, la situation financière doit être appréciée à la date du 12 mars 2020 pour déterminer un état ou non de cessation des paiements.

Cette règle s’appliquera à toutes les procédures dont l’ouverture est demandée pendant un délai de trois mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire dont la date est à ce jour fixée au 10 juillet 2020, minuit.

          2. Intervention d’un professionnel expérimenté

L’intervention d’un acteur désigné par le Tribunal de commerce, en la personne du mandataire ad hoc / conciliateur, rompu aux négociations bancaires va permettre d’aider à structurer et justifier précisément les demandes de financement.

A noter que le mandataire ad hoc est choisi par le dirigeant.

En interne des banques, suite à l’ouverture d’une procédure de prévention, les chargés d’affaires transmettent le dossier à une équipe dédiée et spécialisée, communément appelée les « Affaires Spéciales ». Contrairement aux services commerciaux, les Affaires Spéciales ne sont pas effrayées par les situations tendues – elles sont leur quotidien. En outre, il ressort de notre expérience, en la matière, que le délai de prise de décision de ces équipes peut être très court, dès lors que la perspective de la crise de liquidité a été précisément identifiée et justifiée et que l’ensemble de la documentation permettant une analyse de la situation tant qualitative que quantitative leur a été dument communiquée.

Dans ce contexte, un sursis d’exigibilité sera immédiatement sollicité et habituellement accordé par les banques, le temps que, dans le cadre de la cadre de la procédure de prévention, soit finalisé et revu le business plan.

          3. Une équipe dédiée à la pérennité de la société

Dans le cadre d’une procédure de prévention, le dirigeant va ainsi se constituer autour de lui, une équipe externe spécialement dédiée à la gestion de la crise que rencontre son entreprise et composée du mandataire ad hoc, d’un avocat ayant une parfaite connaissance des procédures de prévention et d’un cabinet de conseil financier, compétent pour revoir les prévisionnels d’exploitation et de trésorerie en intégrant des sensibilités sur les hypothèses de financement retenues ; ces informations comptables et financières étant indispensables pour l’analyse des demandes de financement.

Cette équipe va se mobiliser pleinement et rapidement pour travailler ensemble sur les conditions du retour à la pérennité de l’entreprise.

L’organisation mise en place dans le cadre d’une procédure de prévention va en outre permettre au dirigeant de démontrer, si besoin était, qu’il a mis en œuvre toutes les mesures utiles pour assurer la poursuite de l’exploitation de sa société dans un cadre pérenne, ce qui pourra le protéger si sa responsabilité personnelle est mise en cause, en cas de défaillance devenue inéluctable.

Les différents points sus-évoqués tendent ainsi à favoriser l’ouverture d’une procédure de prévention afin d’être en mesure de répondre à la crise de liquidité provoquée par le contexte sanitaire actuel.


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