Les conséquences d’une convocation irrégulière sur la conversion d’un redressement en liquidation judiciaire

Cass. com., 26 juin 2019, n°17-27.498

Aux termes de l’article L.631-15, II du Code de commerce, le tribunal peut prononcer sur conversion la liquidation judiciaire d’un débiteur qu’après avoir entendu ou dûment appelé celui-ci à cette fin. 

Si, aux termes de l’article 562 du Code de procédure civile, la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement, il en va différemment lorsque le premier juge a statué en l’absence de convocation régulière du défendeur non comparant et que celui-ci n’a pas conclu à titre principal au fond en appel.

***

Une société avait été mise en redressement judiciaire par jugement du 2 juin 2016. Le dispositif du jugement d’ouverture indiquait que l’affaire serait rappelée à une audience du 15 septembre 2016 « pour qu’il soit statué conformément aux dispositions de l’article L.631-15 du Code de commerce sur la poursuite de la période d’observation ».

Par requête du 13 septembre 2016, l’administrateur judiciaire avait sollicité la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Aux termes de l’audience du 15 septembre 2016, le tribunal, en l’absence du débiteur, a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Cette décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Montpellier.

Pour prononcer la liquidation judiciaire de la société débitrice, la cour d’appel avait retenu que la saisine du tribunal était régulière ; la société ayant été convoquée à l’audience du 15 septembre 2016 par le renvoi opéré par le dispositif du jugement d’ouverture du 2 juin 2016 et informée de son objet par la mention de l’article L.631-15 du Code de commerce qui s’y trouvait, de sorte qu’en dépit de l’annulation du jugement faute d’avis du juge-commissaire, la cour d’appel devait statuer sur le fond, c’est-à-dire sur la conversion du redressement en liquidation judiciaire.

La société débitrice s’est pourvue en cassation.

Au visa de l’article L.631-15, II du Code de commerce et de l’article 562 du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel aux termes de l’attendu de principe suivant :

« aux termes du premier de ces textes, le tribunal peut statuer sur l’ouverture de la liquidation judiciaire d’un débiteur qu’après avoir entendu ou dûment appelé celui-ci à cette fin, et que si, aux termes du second, la dévolution s’opère pour le tout lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement, il en va différemment lorsque le premier juge a statué en l’absence de convocation régulière du défendeur non comparant et que celui-ci n’a pas conclu à titre principal au fond en appel. »

Sur ce, la Haute Cour estime que :

« la mention, dans le jugement de renvoi du 2 juin 2016, du rappel de l’affaire à une audience ultérieure et l’indication, dans ce jugement, que le tribunal pourrait, au cours de cette nouvelle audience, statuer sur la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ne constituaient pas une convocation régulière de la société débitrice ».

En conséquence, au vu de l’absence de convocation régulière du débiteur à l’audience appelée à statuer sur la demande de conversion, et compte tenu que le débiteur n’avait conclu à titre principal que sur l’annulation du jugement de conversion (et non au fond), la cour d’appel ne pouvait, en application de l’article 562 du Code de procédure civile et en l’absence d’effet dévolutif, statuer sur le fond et ainsi prononcer la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire.

Si l’emploi aux termes de l’arrêt du terme « ouverture » est impropre s’agissant d’une conversion en liquidation judiciaire (le terme de « prononcé » devant être employé), la solution édictée par la Cour de cassation est parfaitement justifiée.

L’article L.631-15 I du Code de commerce, applicable à la seule procédure de redressement judiciaire, dispose : « Au plus tard au terme d’un délai de deux mois à compter du jugement d’ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d’observation s’il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes ».

L’article L.631-15, II du Code de commerce dispose par ailleurs en ses alinéas 1 et 2 :

« À tout moment de la période d’observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, d’un contrôleur, du ministère public ou d’office, peut ordonner la cessation partielle de l’activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.

Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, et avoir recueilli l’avis du ministère public. »

Ainsi, l’examen à 2 mois de la situation du débiteur en redressement judiciaire en vue de la poursuite de sa période d’observation prévu à l’article L.631-5 I du Code de commerce n’implique pas qu’il soit de plein droit statué à l’occasion de l’audience d’examen sur la conversion ou non de la procédure de redressement en liquidation judiciaire.

La conversion de la procédure doit être demandée par ceux à qui l’article L.631-15, II alinéa 1er du Code de commerce attribue qualité ; le tribunal ne pouvant statuer en application de l’alinéa 2 dudit article qu’après avoir entendu ou appelé le débiteur.

Or, à l’aune d’une application combinée des dispositions susmentionnées, la Haute Cour a donc jugé que les mentions qui figuraient dans le jugement d’ouverture du 2 juin 2016 ne pouvaient constituer une convocation régulière du débiteur à une audience appelée à statuer sur la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire.

Quant à la limite à l’effet dévolutif de l’appel tendant à l’annulation du jugement visé à l’article 562 du Code de procédure civile, il existe une exception à cette règle.

En effet, il est de jurisprudence constante que l’lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement, la dévolution pour le tout ne peut s’opérer si le premier juge n’a pas été valablement saisi (Cass. civ. 2ème, 7 mars 1984, n°82-12.804 ; Cass. civ. 2ème, 5 décembre 1979, n°78-10.497) et que le défendeur n’a pas conclu à titre principal au fond devant la Cour (Cass. civ. 2ème, 5 déc. 1979, n°78-10.497 ; Cass. soc., 16 déc. 1998, n°96-45.540).

 La décision commentée s’inscrit donc, sur cette question de l’effet dévolutif, dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure.

A rapprocher : Cass. civ. 2ème, 7 mars 1984, n°82-12.804 ; Cass. civ. 2ème, 5 décembre 1979, n°78-10.497 ; Cass. civ. 2ème, 5 déc. 1979, n°78-10.497 ; Cass. soc., 16 déc. 1998, n°96-45.540

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