Heures supplémentaires : la réglementation CNIL doit être respectée par l’employeur sous peine de rejet des pièces produites

Cass. soc., 27 mars 2019, n°17-31.715

L’employeur ne peut utiliser des éléments ne respectant pas les normes CNIL sur le traitement automatisé des informations nominatives pour contrer une demande d’heures supplémentaires sous peine de les voir écartés des débats.

Selon l’article L.3171-4 du Code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments, et ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

Il est de jurisprudence constante que la preuve des heures supplémentaires ne pèse pas uniquement sur le salarié ; il appartient à chacune des parties de rapporter la preuve de l’accomplissement des heures travaillées.
Le salarié doit fournir un commencement de preuve et l’employeur doit apporter des éléments justifiant des horaires effectivement exécutés par le salarié.

Dans le cas d’espèce, un salarié sollicitait un rappel d’heures supplémentaires. Pour contester cette demande, l’employeur rappelait que le décompte du salarié était erroné car il ne prenait pas en compte les temps de pause pris pendant le déjeuner. L’employeur produisait à cet effet des tickets de cantine de l’entreprise émanant du système de traitement automatisé.

Le salarié arguait du fait que la production des tickets litigieux n’était pas recevable car ces documents ne respectaient pas la règlementation CNIL. Les juges du fond avaient fait droit à cette demande et avaient ainsi écarté ces éléments de preuve au motif que la norme simplifiée NS-042 de la CNIL du 8 janvier 2002 encadrant le traitement automatisé des informations nominatives sur le lieu de travail en matière de restauration n’était pas respectée. Pour être recevables, les tickets ne doivent mentionner que l’heure des repas ainsi que le type de consommation (hors d’œuvre, plat, dessert, boisson). Il est interdit de faire figurer des éléments permettant de donner
des indications sur les habitudes alimentaires des salariés.

Peu importe que les tickets soient produits uniquement dans le but de contrer le décompte du salarié et de justifier de la réalité des heures effectuées. Pour la Haute juridiction, dans la mesure où ils ne respectent pas la réglementation édictée par la CNIL, ces éléments sont considérés comme des moyens de preuve illicites et doivent de ce fait être écartés des débats.

Il est donc nécessaire que tout traitement informatisé des données au sein de l’entreprise soit conforme aux dispositions édictées par la CNIL et désormais également au RGPD.

A rapprocher : Cass. soc., 24 janvier 2018, n°16-23.743 ; Cass. soc., 1er janvier 2017, n°15-23.522

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