Les effets limités de la substitution des délais de prescription sur l’action en paiement contre la caution

Cass. com., 16 janvier 2019, n°17-14.002

Nonobstant l’opposabilité à la caution solidaire de la substitution de la prescription résultant de la décision d’admission de la créance garantie au passif du débiteur principal, le délai du créancier pour agir en paiement contre cette caution reste déterminé par la nature de la créance détenue sur la caution, le délai de prescription étant néanmoins interrompu pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu’à la date de sa clôture.

La Cour de cassation était saisie d’une question relative à l’incidence de la procédure collective sur la prescription de l’action du créancier contre la caution du débiteur. Plusieurs prêts garantis par une caution personne physique avaient été octroyés à une société. Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au bénéfice de cette société, et la créance de remboursement a été admise au passif. Après la clôture de la procédure, le créancier a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé la prescription de sa demande.

En application du droit antérieur à la loi du 17 juin 2008, la cour d’appel avait jugé que l’action en paiement n’était pas prescrite et retient que la décision d’admission de créance a pour effet d’opérer une substitution de la prescription trentenaire prévue pour le délai d’exécution, à la prescription décennale attachée à la nature commerciale de la créance ; substitution qui est opposable à la caution. Partant, ce délai de trente ans devait s’appliquer à l’action en paiement du créancier contre la caution.

La question posée à la Cour de cassation était donc de savoir si la substitution des délais de prescription résultant de la décision d’admission de créance, s’appliquait à l’action en paiement dirigée par le créancier contre la caution.

Il est de jurisprudence constante, que la substitution des délais de prescription est opposable à la caution (Cass. com., 25 fév. 2004, n°01-13.588 ; Cass. com., 30 oct. 2007, n°04-16.655), mais la difficulté était de déterminer quel en était l’effet sur l’action en paiement du créancier à l’encontre de la caution.

Sur ce point, la Haute juridiction avait dans un premier temps retenu que la substitution des délais de prescription produisait ses effets sur l’action en paiement du créancier dirigée contre la caution (Cass. com., 3 nov. 2009, n°07-14.329 ; Cass. com., 3 fév. 2009, n°07-19.423).

Toutefois, depuis un arrêt du 12 janvier 2016, la Cour de cassation a opéré un revirement et considère désormais que :

« l’opposabilité à la caution solidaire de la substitution de la prescription trentenaire à la prescription décennale ayant pu se produire, en l’état du droit antérieur à la loi du 17 juin 2008, à la suite de la décision d’admission de la créance garantie au passif du débiteur principal n’a pas pour effet de soumettre l’action en paiement du créancier contre la caution à cette prescription trentenaire ; que le délai du créancier pour agir en paiement contre cette caution reste déterminé par la nature de la créance détenue sur la caution, le délai de prescription étant néanmoins interrompu pendant la durée de la procédure collective du débiteur principal jusqu’à la date de sa clôture ».

La substitution des délais est certes opposable à la caution mais son effet est limité.

Cette position est confirmée par le présent arrêt.

La nature de la créance garantie par la caution étant commerciale, l’action en paiement dirigée contre la caution était donc soumise au délai prévu à l’article L.110-4 du code de commerce et non au délai d’exécution plus long, posé par l’article L.111-4 du code de procédure civile d’exécution.

Le présent arrêt s’inscrit donc dans le prolongement d’une jurisprudence récente favorable au sort de la caution et qui apparaît mettre un frein à la théorie de la représentation mutuelle des co-obligés. (Cass. com., 10 janv. 2019, n°16-24.742 ; Cass. com., 3 oct. 2018, n°16-26.985 ; Cass. com., 4 juil. 2018, n°16-20.205).

Enfin, la Cour de cassation rappelle que le délai de prescription est interrompu pendant la durée de la procédure collective, du fait de la déclaration de créance et reprend à compter de la clôture de la procédure.

A rapprocher :  Cass. com., 25 fév. 2004, n°01-13.588 ; Cass. com., 30 oct. 2007, n°04-16.655 ; Cass. com., 3 nov. 2009, n°07-14.329 ; Cass. com., 3 fév. 2009, n°07-19423 ; Cass. com. 12 janv. 2016, n°14-21.295 ; Cass. com., 10 janv. 2019, n°16-24.742 ; Cass. com., 3 oct. 2018, n°16-26.985 ; Cass. com., 4 juil. 2018, n°16-20.205 ; articles du code de commerce : L.622-25-1 par renvoi de l’article L.631-14

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