Le délai de prescription allongé de l’action en nullité de la période suspecte

CA Bordeaux, 10 janvier 2018, n°17/01837

Par son arrêt du 10 janvier 2018, la Cour d’appel de Bordeaux refuse l’application du délai de droit commun de la prescription, soit cinq ans, et confirme que l’action en nullité de la période suspecte est liée à la durée de la mission du liquidateur judiciaire.

Ce qu’il faut retenir : Par son arrêt du 10 janvier 2018, la Cour d’appel de Bordeaux refuse l’application du délai de droit commun de la prescription, soit cinq ans, et confirme que l’action en nullité de la période suspecte est liée à la durée de la mission du liquidateur judiciaire.

Pour approfondir : En l’espèce, le 20 septembre 2002, Monsieur G et son épouse font la donation de la nue-propriété de leur résidence principale à leur fille et en conservent l’usufruit.

Par la suite, la société TRUSIMA, dirigée par Monsieur G, est placée en procédure de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux le 25 septembre 2002, fixant la date de cessation des paiements au 31 décembre 2001.

La procédure est ensuite étendue au dirigeant lequel se retrouve en état de liquidation judiciaire personnelle.

Le 6 août 2013, soit près de 11 ans après l’ouverture de la procédure, le mandataire liquidateur assigne les époux G aux fins de voir annuler la donation de la nue-propriété réalisée par Monsieur G et son épouse le 20 septembre 2002.

En effet, cet acte gratuit et translatif de propriété immobilière, réalisé entre la date de cessation des paiements et l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, caractérise une nullité de plein droit en application de l’article L.632-1 du Code de commerce.

Le 6 mars 2017, le tribunal de commerce de Bordeaux rejette la demande du mandataire liquidateur estimant que l’action est prescrite puisque soumise au délai de droit commun, soit cinq ans.

Suite à l’appel interjeté par le mandataire liquidateur, la Cour d’appel de Bordeaux infirme la décision des premiers juges et considère que la prescription civiliste est, en la matière, inapplicable.

Par conséquent, les juges du fond décident que le délai de prescription est calqué sur la durée de la mission du mandataire liquidateur, laquelle peut s’avérer particulièrement longue.

Si cette décision peut apparaître surprenante compte tenu des impératifs de sécurité juridique, elle n’en demeure pas moins classique en la matière.

En effet, par deux arrêts, la chambre commerciale de la Cour de cassation a pu écarter tant l’application de la prescription commerciale de droit commun que la prescription civiliste de cinq ans (Cass. com., 30 mars 2010, n°08-17.556 ; Cass. com., 21 septembre 2010, n°08-21.030). Elle décidait ainsi que l’action dépendait uniquement de la durée de la mission du mandataire judiciaire.

On ne peut que s’étonner de ce délai extraordinaire compte tenu des délais appliqués à d’autres actions tendant à la même finalité telle que l’action en insuffisance d’actifs soumise à la prescription triennale.

Si ce délai peut apparaître étonnant, il faut néanmoins relever que les faits d’espèce sont antérieurs à la loi du 26 juillet 2005.

En effet, par cette réforme, le législateur a entendu réduire les délais de procédure de liquidation judiciaire, en instaurant notamment une obligation pour le Tribunal de fixer, dans le jugement qui ouvre ou prononce ladite procédure, un délai au terme duquel la clôture devra être examinée, fixant ainsi un délai pour la mise en œuvre d’une éventuelle action en nullité de la période suspecte.

A rapprocher : Articles L.632-1, L.632-4 et L.643-9 du Code de commerce ; Cass. com., 21 septembre 2010, n°08-21.030 ; Cass. com., 30 mars 2010, n°08-17.556 ; Cass. com., 13 octobre 1998, n°96-10.621

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