Le juge-commissaire doit surseoir à statuer sur l’admission de la créance dans l’hypothèse d’une contestation sérieuse

Cass. com., 27 septembre 2017, n°16-16.414

Le juge-commissaire doit surseoir à statuer sur l’admission de la créance déclarée en présence d’une contestation sérieuse susceptible d’influencer l’existence ou le montant de cette créance, et ce même si la contestation ne porte pas directement sur la créance déclarée.

Ce qu’il faut retenir : Le juge-commissaire doit surseoir à statuer sur l’admission de la créance déclarée en présence d’une contestation sérieuse susceptible d’influencer l’existence ou le montant de cette créance, et ce même si la contestation ne porte pas directement sur la créance déclarée.

Pour approfondir : En l’espèce, un crédit-bailleur déclare sa créance au titre d’un crédit-bail au passif de la procédure de redressement judiciaire du débiteur, laquelle procédure a été convertie en liquidation judiciaire. A la suite d’une contestation, cette créance a été partiellement admise par ordonnance du juge-commissaire. Le matériel, objet du crédit-bail, ayant été dégradé, le crédit-bailleur cède ce matériel pour un prix symbolique.

C’est dans ces conditions que le crédit-preneur interjette appel de la décision du juge-commissaire aux fins de voir reconnaitre sa créance indemnitaire à l’égard du crédit-bailleur au titre d’une perte de chance de revendre le bien à un meilleur prix et d’obtenir la compensation de cette somme avec la créance déclarée au titre du crédit-bail.

La Cour d’appel de Rouen, par un arrêt en date du 25 février 2016, déclare irrecevable la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par le débiteur et admet la créance du crédit-bailleur au motif que la procédure de vérification des créances a uniquement pour objet de déterminer l’existence, le montant, ou la nature de la créance déclarée et qu’il n’entre pas dans les attributions du juge-commissaire et, partant, de la Cour d’appel statuant en matière d’admission des créances, de se prononcer sur la responsabilité encourue par la crédit-bailleur à l’occasion de l’exécution du contrat.

Saisie d’un pourvoi formé par le débiteur et le liquidateur, la chambre commerciale de la Cour de cassation, par un arrêt publié au bulletin, casse l’arrêt d’appel au visa des dispositions de l’article L.624-2 du Code de commerce relatif aux compétences et aux pouvoirs du juge-commissaire. Dans un attendu de principe, elle affirme que, dès lors que la contestation du débiteur est sérieuse et se trouve susceptible d’avoir une influence sur l’existence ou le montant de la créance déclarée, la contestation ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire et que celui-ci est tenu de surseoir à statuer sur l’admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge-compétent. La Cour d’appel a donc violé le texte susvisé en déclarant irrecevable la demande reconventionnelle du débiteur sans se prononcer préalablement sur le caractère sérieux de la contestation du débiteur et sur son influence sur l’existence et le montant de cette créance et, dans l’affirmative, surseoir à statuer sur l’admission de la créance après avoir invité les parties à saisir le juge compétent.

L’absence de pouvoir juridictionnel du juge-commissaire en cas de contestation sérieuse du débiteur est une création prétorienne. Cette règle a été consacrée par l’ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 et codifiée aux dispositions de l’article L.624-2 du Code de commerce.

S’agissant de la contestation sérieuse du débiteur, la question restait de savoir si cette dernière devait porter directement ou non sur la créance déclarée. Il aurait pu être envisagé que la contestation devait porter directement sur la créance déclarée et que l’examen de la contestation du débiteur pouvait intervenir parallèlement, et sa créance se compenser sur la créance admise du créancier. La Cour de cassation a retenu la solution inverse. Par deux arrêts en date du 28 janvier 2014 et du 27 janvier 2015 (Cass. com., 28 janvier 2014, n°12-35.048 et Cass. com., 27 janvier 2015, n°13-25.168), la Cour de cassation a jugé que le juge-commissaire devait surseoir à statuer sur la créance déclarée y compris lorsque la contestation portait sur une créance du débiteur venant éventuellement en compensation de la première. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la créance litigieuse du débiteur se compensera avec la créance déclarée et que l’objet de l’admission portera sur le montant total après compensation. Ainsi, la présente décision s’inscrit dans le prolongement des deux arrêts précités.

 A rapprocher : Cass. com., 28 janvier 2014, n°12-35.048 ; Cass. com., 27 janvier 2015, n°13-25.168 ; L.624-2 du Code de commerce

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