Période suspecte et modification de gage, une opération sous contrôle

Cass. com., 27 septembre 2016, n°15-10.421

La modification d’un gage en période suspecte ne peut avoir pour effet d’accroître les garanties du créancier et ce, sous peine de nullité.

Ce qu’il faut retenir : La modification d’un gage en période suspecte ne peut avoir pour effet d’accroître les garanties du créancier et ce, sous peine de nullité.

Pour approfondir : Le 12 novembre 2008, la société COUACH avait consenti à la banque NATIXIS, en garantie du paiement du solde débiteur de son compte courant, un gage sur 6 moteurs de bateau identifiés.

Le 19 février 2009, les parties ont signé une nouvelle convention dont l’objet était de procéder à une substitution de deux moteurs initialement gagés par deux nouveaux.

Par jugements des 1er avril et 17 juin 2009, la société COUACH a été placée en procédure de redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 23 janvier 2009, soit antérieurement à la modification du gage.

La modification du gage étant intervenue en période suspecte, le liquidateur a assigné la société NATIXIS en nullité du gage sur le fondement des dispositions de l’article L. 632-1 alinéa 6 du Code de commerce.

Par un arrêt du 5 novembre 2014, la Cour d’appel de Bordeaux a fait droit à la demande du liquidateur judiciaire considérant que la modification du gage vaut constitution d’un nouveau gage et qu’elle est donc intervenue en période suspecte pour garantir le paiement d’une dette antérieure.

Par un arrêt du 27 septembre 2016, la Cour de cassation a censuré la décision de la Cour d’appel considérant qu’il y avait lieu de rechercher si la substitution opérée avait conférée à la société NATIXIS un gage supérieur à celui initialement consenti dans sa nature et dans son assiette.

Cet arrêt, conforme aux décisions de la Cour de cassation en la matière, s’inscrit parfaitement dans l’esprit des dispositions de l’article L. 632-1 du Code de commerce dont l’objet n’est pas d’interdire toute opération de crédit ou de financement mais seulement d’éviter que des actes soient passés en fraude ou au détriment de l’intérêt des créanciers.

Cet arrêt permet ainsi de rassurer les créanciers tout en rappelant qu’une telle opération ne saurait avoir pour effet de conforter sensiblement leur position en leur consentant une meilleure sûreté.

A notre sens, il y a lieu d’approuver pleinement cette décision qui concilie l’ensemble des intérêts en présence.

A rapprocher : Article L. 632-1 du Code de commerce 

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