Sur les critères de la faillite personnelle

Cass. com., 11 avril 2018, n°16-29.103

La faillite personnelle du débiteur, placé en liquidation judiciaire, peut être retenue sur le fondement du détournement d’actifs dépendant de la liquidation judiciaire au regard des conclusions du rapport de l’expert lorsque les actifs dissimulés ou soustraits n’ont pu être inventoriés.

Ce qu’il faut retenir : La faillite personnelle du débiteur, placé en liquidation judiciaire, peut être retenue sur le fondement du détournement d’actifs dépendant de la liquidation judiciaire au regard des conclusions du rapport de l’expert lorsque les actifs dissimulés ou soustraits n’ont pu être inventoriés. L’adoption d’un plan de redressement n’est pas par elle-même exclusive de la possibilité d’une poursuite abusive d’une exploitation déficitaire.

Pour approfondir : En l’espèce, suivant jugement du 6 janvier 2006, un exploitant de fonds de commerce de « travaux agricoles bûcheron mécanisé » a été placé en redressement judiciaire. Par jugement du 4 mai 2011, le tribunal a décidé la résolution du plan de redressement arrêté au profit du débiteur et a ouvert la liquidation judiciaire de ce dernier. Le liquidateur judiciaire a demandé la désignation d’un technicien pour examiner la comptabilité du débiteur et a demandé le prononcé de la faillite personnelle de celui-ci après dépôt du rapport du technicien.

Par un arrêt du 7 novembre 2016, la Cour d’appel de Bordeaux a prononcé la faillite personnelle du débiteur pour une durée de quinze ans sur le fondement de l’article L.653-3 du Code de commerce. L’exploitant a formé un pourvoi en cassation contre cette décision.

Au soutien de ses prétentions, le débiteur a formé plusieurs griefs à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel. Ainsi, le débiteur reproche aux juges du fond d’avoir retenu la faillite personnelle, d’une part, sur le fondement de la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire alors qu’un plan de redressement avait été adopté en 2007 ; d’autre part, sur le fondement de l’absence de tenue de comptabilité ou sur la tenue d’une comptabilité irrégulière, alors qu’il serait dispensé de tenir une comptabilité du fait de son activité de « travaux agricoles bûcheron mécanisé ». En outre, sur le fondement du détournement des actifs dépendant de la liquidation judiciaire sans avoir procédé à une analyse du rapport de l’expert, ni précisé les actifs dissimulés et soustraits de la liquidation judiciaire.

Par un arrêt du 11 avril 2018, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi.

Selon la Cour de cassation, la Cour d’appel a motivé sa décision, d’une part, en constatant que le débiteur n’avait pas formulé de contestation ni d’observation quand il lui était reproché le détournement d’actifs dépendant de la liquidation judiciaire par leur dissimulation et la soustraction de ces derniers qui n’avaient pu être inventoriés, et, d’autre part, en se référant aux conclusions du rapport du technicien désigné.

En outre, la Haute juridiction a retenu que l’adoption d’un plan de redressement n’est pas par elle-même exclusive de la possibilité d’une poursuite abusive d’une exploitation déficitaire.

Enfin, la Chambre commerciale a précisé que M. X ne revendiquant pas la qualité d’agriculteur, il n’était pas dispensé de tenir une comptabilité.

Cette décision revient sur les critères de la faillite personnelle et confirme la jurisprudence antérieure en la matière. Ainsi, il a déjà été jugé qu’en cas de résolution du plan de redressement, le juge peut retenir des faits postérieurs à la décision arrêtant ce plan et antérieurs à celle ouvrant, après sa résolution, une procédure de liquidation judiciaire (Cass. com., 16 septembre 2014, n°13-18.503). Il a également déjà été retenu que la non-tenue d’une comptabilité conforme n’ouvre droit à sanction que si la tenue d’une comptabilité est exigée, ce qui n’est pas le cas pour les personnes physiques agriculteurs (Cass. com., 1er décembre 2009, n°08-17.187).

A rapprocher : L.653-3 du Code de commerce ; L.653-5, 6° du Code de commerce ; Cass.com., 16 septembre 2014, n°13-18.503 ; Cass. com., 1er décembre 2009, n°08-17.187

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